Internet n’est plus un luxe : c’est devenu un service essentiel. Que ce soit pour le télétravail, l’apprentissage en ligne, les appels vidéo, le divertissement ou même la santé, une connexion fiable est indispensable.
Au Canada, un pays vaste et diversifié, les performances internet varient énormément. Dans les grandes villes comme Toronto, Vancouver ou Calgary, les vitesses atteignent des niveaux comparables aux meilleurs standards mondiaux. En revanche, dans les régions rurales et nordiques, les communautés dépendent encore de réseaux limités.
Cet article approfondit ce que révèlent les tests récents sur la vitesse moyenne de l’internet au Canada — en explorant l’évolution historique, les différences provinciales, les vitesses par ville, la performance des FSI, les initiatives gouvernementales et le défi persistant de la fracture numérique.
1. Tendances historiques : de l’accès commuté à la fibre gigabit
L’évolution des vitesses internet au Canada est spectaculaire. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, une grande partie des ménages utilisaient encore l’accès commuté, limité à 56 Kbps — à peine suffisant pour ouvrir une page web.
En 2008, la moyenne nationale atteignait 4,9 Mbps en téléchargement et seulement 0,65 Mbps en téléversement. Visionner une vidéo YouTube en 480p nécessitait souvent plusieurs minutes de mise en mémoire tampon.
En 2023, la situation a complètement changé :
- Téléchargement moyen : 453 Mbps
- Téléversement moyen : 200 Mbps
- Taux de croissance annuel : 35,2 % (téléchargement), 46,5 % (téléversement)
Ces gains s’expliquent par :
- Le déploiement massif de la fibre optique par Bell et Telus
- Les améliorations du câble chez Rogers et Shaw
- L’expansion du 4G et du 5G pour l’internet mobile
- Les investissements publics en régions rurales
L’augmentation de la vitesse en téléversement est particulièrement importante. Le téléchargement alimente la diffusion vidéo et la navigation, mais le téléversement soutient les appels vidéo, l’infonuagique et le jeu en ligne — trois usages qui ont explosé depuis la pandémie.
2. Vitesses provinciales
Les tests révèlent des écarts marqués entre les provinces :
- Terre-Neuve-et-Labrador (119,8 Mbps) : en tête grâce à une forte adoption de la fibre dans les centres urbains.
- Nouveau-Brunswick (117,3 Mbps) : de très bonnes performances grâce à la concurrence entre Bell Aliant et Rogers.
- Colombie-Britannique (110,5 Mbps) : Vancouver est bien desservie, mais les régions éloignées de l’intérieur sont encore limitées.
- Alberta (91,8 Mbps) : Calgary et Edmonton tirent la moyenne vers le haut, mais les zones agricoles sont à la traîne.
- Ontario (84,4 Mbps) : cœur économique du pays, mais l’Ontario rural, notamment au nord, reste en retard.
- Québec (69,5 Mbps) : Montréal surprend avec une moyenne plus basse que prévu, en raison d’infrastructures vieillissantes dans certains quartiers.
- Prairies (Manitoba et Saskatchewan, ~60–66 Mbps) : la faible densité démographique freine l’investissement.
- Territoires nordiques (15–47 Mbps) : le satellite domine, mais la latence et la vitesse sont nettement inférieures à la moyenne nationale.
👉 Ce portrait illustre bien la fracture numérique urbain-rural.
3. Vitesses dans les grandes villes
En analysant les centres urbains :
- Calgary (129,6 Mbps) : parmi les plus rapides, grâce à la compétition Telus vs. Shaw.
- Toronto (98,5 Mbps) : la plus grande ville du pays, mais des quartiers anciens restent limités.
- Montréal (64,8 Mbps) : étonnamment plus lente malgré son statut de métropole.
- Vancouver (99,9 Mbps) : performante, mais les régions montagneuses périphériques ralentissent la moyenne.
- Winnipeg (93,3 Mbps) : bons résultats en zone urbaine, mais des écarts marqués dans les banlieues.
Côté mobile, Winnipeg se distingue avec 93,1 Mbps, dépassant même certains réseaux filaires.
4. Comparaison avec les normes nationales
Le CRTC définit l’internet haute vitesse comme 50 Mbps en téléchargement et 10 Mbps en téléversement. En théorie, ce seuil semble suffisant, mais la réalité est différente :
- Une famille de quatre personnes, entre Netflix en 4K, jeux en ligne et visioconférence, peut nécessiter 150–300 Mbps.
- Le télétravail et l’infonuagique exigent des vitesses symétriques.
- Bell propose déjà des forfaits de 8 Gbps, mais uniquement dans certaines grandes villes.
Les moyennes nationales sont donc trompeuses : elles ne reflètent pas les besoins réels selon le ménage.
5. La fracture numérique urbain-rural
Le vrai défi canadien se situe ici :
- En ville : la majorité des foyers dépassent le seuil 50/10 Mbps.
- En campagne : seulement 87 % des foyers ont accès à ce seuil minimal.
- Conséquences :
- Les étudiants ruraux manquent de fiabilité pour les cours en ligne.
- Les agriculteurs ne peuvent pas exploiter pleinement l’agriculture intelligente.
- Les patients éloignés perdent l’accès à la télémédecine.
Les satellites en orbite basse (ex. Starlink, Telesat) offrent de l’espoir : vitesses de 50–250 Mbps, mais les coûts mensuels élevés freinent l’adoption.
6. Performance des FSI
Les tests révèlent que plusieurs fournisseurs surpassent leurs promesses :
- Bell Fibre 50/50 atteint souvent 62/62 Mbps aux heures de pointe.
- Rogers 150 Mbps dépasse fréquemment 170 Mbps.
- Telus et Shaw adoptent la même stratégie d’« overprovisioning ».
Mais attention :
- Les forfaits satellite ont souvent des plafonds de données très restrictifs (20–50 Go/mois).
- La latence demeure élevée pour les jeux et la vidéoconférence (600 ms pour GEO, 30–60 ms pour Starlink).
7. Comment fonctionnent les tests de vitesse
Les résultats diffèrent selon l’outil utilisé :
- Ookla Speedtest : reflète souvent la vitesse maximale potentielle.
- Test de performance internet du CIRA : axé sur des serveurs canadiens, plus représentatif de l’expérience locale.
- Measurement Lab (NDT) : souvent plus conservateur, mais très cohérent.
De plus, le goulot d’étranglement provient souvent du Wi-Fi domestique. Un forfait gigabit ne sert à rien si votre routeur plafonne à 300 Mbps.
8. Initiatives gouvernementales et politiques
Pour combler les écarts, le Canada investit massivement :
- Fonds pour la large bande universelle (FLBU) : 3,2 milliards $ pour brancher toutes les régions d’ici 2030.
- Régulation du CRTC : accès de gros obligatoire pour encourager la concurrence.
- Partenariats satellites : avec Telesat Lightspeed pour desservir le Nord.
Objectif : 100 % de couverture à 50/10 Mbps d’ici 2030.
9. Pourquoi la vitesse internet est cruciale
Aujourd’hui, la vitesse n’est pas un luxe, mais une nécessité :
- Éducation : les élèves ont besoin d’une connexion stable pour Teams et Zoom.
- Santé : la télémédecine dépend d’un flux vidéo HD sans coupures.
- Économie : les PME exportatrices dépendent de l’infonuagique.
- Divertissement : le jeu en nuage et le streaming 4K exigent un débit élevé.
Un pays connecté est un pays plus compétitif.
10. Conclusion
En quinze ans, le Canada est passé de moins de 5 Mbps à une moyenne nationale de 450 Mbps. Dans les villes, les Canadiens profitent même de vitesses supérieures à ce qui est annoncé. Mais la fracture rurale persiste : dans certaines régions nordiques, la moyenne ne dépasse pas 15 Mbps.
Les fonds publics, les investissements privés et les nouvelles technologies satellites sont essentiels pour combler cet écart d’ici 2030. Jusque-là, les moyennes nationales cachent une réalité : pour des millions de Canadiens hors des grands centres, la connexion reste loin d’être « moyenne ».
